« Un frigidaire, un joli scooter, un atomixer, et du Dunlopillo ! » Aujourd’hui, le marché ne se contente plus de nous refourguer des biens dont nous avons plus ou moins besoin. Il s’est immiscé partout et notamment « dans les aspects de la vie traditionnellement régis par des normes non marchandes », analyse Michael J. Sandel, professeur de science politique à Harvard, dans ce livre essentiel.
La force de son essai, paru en 2012 aux États-Unis, est d’avoir perçu très tôt, partout sur la planète, une multitude de pratiques qui, depuis, se sont répandues en France et font que nous sommes passés d’une « économie de marché » à une « société de marché ». Que ces pratiques nous viennent d’ailleurs d’entreprises privées ou qu’elles soient promues de façon navrante par les autorités publiques elles-mêmes.
Extension du domaine du marchand
Il en va ainsi du naming des stades ou des salles de concert (Allianz Riviera, Accor Arena…), du fait que l’on puisse désormais payer La Poste pour que le facteur fasse ce qu’il faisait avant, tout naturellement, sans chercher une rétribution (veiller sur les personnes âgées isolées) ou que nos gendarmes en viennent à récompenser en bons d’achat de carburant des automobilistes qui ont l’incroyable idée de respecter le code de la route ! Du pollueur-payeur au non-pollueur payé…
L’autre atout de l’ouvrage de Sandel est de réfléchir à ce qu’un tel phénomène a comme conséquences sur nos vies et nos démocraties : « Voulons-nous d’une société où tout soit à vendre ?, fait-il mine de se demander. Ou y a-t-il certains biens moraux ou civiques auxquels les marchés ne font pas honneur et que l’argent ne saurait acheter ? » Hélas, souvent, la question, comme dirait l’autre, elle est un peu trop « vite répondue ».
Ce que l’argent ne saurait acheter, Michael J. Sandel, Seuil, 2014.







