Peter Sloterdijk est un penseur sur lequel il faut compter, Jean-Pierre Chevènement ne l’appelle pas « la Pythie de Karlsruhe » pour rien. Il a aussi le mérite, en tant qu’Allemand, de nous tendre un miroir, à nous Français. C’est le cas avec cet opuscule, dans lequel il revisite l’histoire des relations entre nos deux pays depuis 1945.
Il s’appuie sur la théorie de Mühlmann, en vertu de laquelle les collectifs humains se constituent et se renforcent sous l’effet d’un stress intense ; typiquement, la guerre. C’est la théorie de la coopération sous stress maximal. L’épanouissement du collectif dépend des leçons tirées du conflit. Les vainqueurs voient leur vision du monde confirmée ; les vaincus doivent accomplir une métanoïa, une conversion morale.
Auto-évaluation défaillante ?
La France, bien que vaincue, appartient au camp des vainqueurs et, par cette illusion, échapperait à l’auto-évaluation post-stress en s’évadant, au choix, dans le gaullisme et sa quête de grandeur ou dans le communisme et son rêve révolutionnaire. Elle ne pratique aucune métanoïa… et nous en paierions aujourd’hui le prix. Alors que, selon Sloterdijk, l’Allemagne aurait fait ce travail d’intégration morale – encore heureux – et en récolterait aujourd’hui les fruits en étant un État exerçant sereinement sa puissance.
La thèse est stimulante, beaucoup moins l’est la conclusion, à la René Girard, qui fait des guerres napoléoniennes le commencement d’un cycle de rivalité mimétique. On rejoindra toutefois l’auteur sur la nécessité d’un détachement réciproque des deux pays, seul à même de rompre le cycle. À cet égard, on lui suggérera d’en toucher deux mots à son gouvernement qui, depuis des années, a transféré l’ethos guerrier dans la doctrine économique.
Théories des après-guerres, Peter Sloterdijk, Buchet-Chastel, 2008.







