De Gaulle et les liquidateurs de la politique arabe de la France

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2 décembre 2025

<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> De Gaulle et les liquidateurs de la politique arabe de la France
<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> De Gaulle et les liquidateurs de la politique arabe de la France

Photo : Nicolas Sarkozy s’adresse à l’équipage du porte-avions Charles-de-Gaulle après son retour de mission en Libye, en août 2011. (Bertrand Langlois/ABACAPRESS)

Pour le Général, la résolution du conflit israélo-palestinien conditionnait l’équilibre de toute la Méditerranée. L’engagement de la France aux côtés des Américains pendant la première guerre du Golfe a été le premier accroc infligé à cette politique. Et notre retour dans le giron de l’Otan, voulu par Nicolas Sarkozy, son coup de grâce.

Au Point qui lui demandait, le 11 février 1991, « ce qui restait de la politique arabe de la France », Michel Jobert avait répondu : « Barbès-Rochechouart ! » François Mitterrand venait de nous enrôler, sous bannière américaine, dans l’aventure de la première guerre du Golfe et 100 000 tonnes de bombes s’abattraient bientôt sur les infrastructures civiles et militaires de l’Irak. Par cet humour teinté de désespoir, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Georges Pompidou dévoilait sa crainte : en servant de supplétif à une stratégie américaine dont il pressentait ce qu’elle contenait d’hubris et promettait de chaos, le crédit international de la France restauré par Charles de Gaulle s’effacerait en ne laissant plus subsister que le souvenir de nos conquêtes coloniales… symbolisées par ce quartier parisien de la Goutte-d’Or, premier réceptacle d’immigration maghrébine quand, dès les années 1920, la « métropole », comme on disait alors, commençait à manquer de bras. Il ajoutait : « La France s’est investie dans une politique folle… [François Mitterrand] pense raccommoder demain la porcelaine qu’il vient de piétiner. Mais l’habileté manœuvrière ne remplace pas la conviction. Et les peuples ne s’y trompent pas. Pour retrouver une confiance, il faudra ramer… »

Disparu en 2002, Michel Jobert n’aura pas eu la satisfaction d’entendre Jacques Chirac dire « non », l’année suivante, à la deuxième guerre du Golfe, épilogue d’un mensonge caractérisé (la possession d’armes dites de « destruction massive » par Saddam Hussein) conçu pour détruire l’Irak avant de s’en prendre, comme autant de nouveaux dominos à renverser, aux États appelés à le remplacer au sommet du pandémonium néoconservateur : la Libye, la Syrie puis l’Iran.

Sur le long terme, en tout cas, Jobert ne s’était pas trompé. La parenthèse chiraquienne refermée, Nicolas Sarkozy réintégrerait, sitôt élu, l’orbite américaine dont de Gaulle nous avait extraits en 1958, jetant ainsi aux oubliettes son rêve d’une Méditerranée affranchie des ingérences du complexe militaro-pétrolier…

« Rendre la Méditerranée à elle-même après avoir rendu l’Algérie aux Algériens et l’Afrique noire aux Africains : voilà le sens que l’homme du 18-Juin assignait à sa politique. »

Rendre la Méditerranée à elle-même après avoir rendu l’Algérie aux Algériens et l’Afrique noire aux Africains : voilà le sens que l’homme du 18-Juin assignait à sa politique dans la région en vue de permettre à la France d’y exercer son influence sur de nouvelles bases. C’est Pompidou et non lui qui imposa, dans les années 1970, l’expression « politique arabe », celle-ci n’étant, dans l’esprit du Général, que la partie d’un tout. Maurice Couve de Murville, qui resta dix ans son ministre des Affaires étrangères avant de devenir son dernier chef de gouvernement, expliquait volontiers à ceux qui sollicitaient son témoignage : « Comme Napoléon, de Gaulle estimait qu’un État, sauf à se perdre, ne peut avoir d’autre politique que celle de sa géographie. Il ne séparait pas les rapports entre la France et les Arabes de l’équilibre méditerranéen dans son ensemble, équilibre auquel, à ses yeux, Israël devait participer autant que ses voisins. »

Des Britanniques incendiaires

Ici, un retour en arrière s’impose. Quand de Gaulle, qui n’est plus à la tête du Gouvernement provisoire depuis un an, soutient, en 1947, la création d’un État juif pour accueillir les rescapés de la Shoah, cette question d’équilibre régional le hante déjà. L’urgence des urgences, estime-t-il, consiste à rompre avec la politique incendiaire suivie par les Britanniques qui, pour étendre et maintenir leur mainmise sur cette zone stratégique, n’ont cessé d’exacerber les tensions entre les communautés. 

D’abord en encourageant, avec la déclaration Balfour de 1917, la création d’un foyer sioniste en Palestine, possession ottomane que l’Angleterre souhaite alors récupérer avec l’aide des juifs pour sécuriser sa domination sur l’Égypte ; puis, Londres ayant obtenu mandat sur la Palestine après la dissolution de l’empire ottoman (1920), en reniant sa promesse et, pis encore, sous la pression de la grande révolte arabe de 1936-1939, en restreignant drastiquement l’immigration juive que la Grande-Bretagne avait elle-même suscitée ! Prise au moment précis où les persécutions hitlériennes se déchaînent en Europe, cette décision inhumaine, maintenue pendant toute la durée du conflit, se solde, en 1946, par un soulèvement général des juifs de Palestine contre l’occupant anglais. 

Lâchée par l’opinion internationale après l’arraisonnement du cargo Exodus (4 500 anciens déportés empêchés d’aborder à Tel-Aviv et renvoyés en Allemagne encagés dans les cales de trois navires-prisons), l’Angleterre jette finalement l’éponge en remettant son mandat à l’ONU, qui, le 29 novembre 1947, accouche d’une solution à deux États. L’un à majorité juive, l’autre à majorité musulmane et disposant chacun d’un accès à la mer. 

C’est ce plan qu’approuve de Gaulle à l’unisson du président (travailliste) de l’Agence juive, David Ben Gourion, avec lequel il entretient une correspondance nourrie depuis les débuts de la France libre – et à rebours du chef de l’Irgoun, Menahem Begin (futur créateur du Likoud, en 1973, mais à l’époque largement minoritaire).

Une asymétrie tragique

Las ! Aussitôt votée avec le soutien de l’Agence juive, la résolution 181 de l’ONU est désavouée par la Ligue arabe, créée un an plus tôt à l’initiative des Britanniques (qui se sont abstenus lors du scrutin). Et voici qu’à peine l’indépendance d’Israël proclamée, en mai 1948, l’Égypte, la Syrie, l’Irak et la Jordanie fondent sur le nouvel État… qui les écrase à plate-couture et en profite pour mettre la main sur une partie des territoires réservés au futur État palestinien !

Ainsi fut créée, en quelques semaines, l’asymétrie tragique que redoutait de Gaulle entre juifs et Arabes et dont les conséquences s’étalent sous nos yeux à Gaza. En acceptant la résolution de l’ONU favorable à deux États, les premiers ont obtenu, grâce à Ben Gourion, la création de la patrie dont ils rêvaient depuis la fondation du sionisme par Theodor Herzl ; pour avoir refusé ce partage, tout en se montrant incapables de l’empêcher, les puissances arabes qui prétendaient agir au nom des Palestiniens les ont privés d’un État souverain garanti par la communauté internationale, tout en permettant aux plus extrémistes des Israéliens de laisser libre cours à leurs projets fous d’expansion…

« De Gaulle se fixe une ligne de conduite qui ne variera plus : faire en sorte que le conflit israélo-palestinien n’embrase pas le bassin méditerranéen. »

C’est à ce moment que de Gaulle se fixe une ligne de conduite qui ne variera plus : faire en sorte que le conflit israélo-palestinien n’embrase pas le bassin méditerranéen tout entier ni ne débouche sur la destruction d’un des deux belligérants. D’où le soutien qu’il apporte par deux fois à l’État juif – quand, en 1948 puis en 1956, les Arabes tentent en vain de le rayer de la carte –, mais aussi sa rupture non moins franche avec Tel-Aviv quand, à l’occasion de la guerre des Six-Jours de 1967, Israël parvient à multiplier par trois son emprise territoriale sur la région.

L’ami Ben Gourion

Il faut dire que, dès son retour aux affaires, en 1958, le fondateur de la Ve République avait pressenti l’importance nodale que prendrait l’extension des colonies juives, pour peu qu’un gouvernement maximaliste succède à celui de Ben Gourion, Premier ministre quasiment sans interruption de 1948 à 1963. Reçu « en ami » à Paris, en juin 1960 et en juin 1961, ce dernier l’avait inquiété en évoquant son « rêve secret » (dixit de Gaulle dans ses Mémoires d’espoir) d’un doublement de la population israélienne. À quoi le Général avait rétorqué, avant d’annoncer à son hôte qu’il mettait fin à la coopération nucléaire instituée entre Paris et Tel-Aviv sous la IVe République : « La France vous aidera demain, comme elle vous a aidé hier, à vous maintenir quoi qu’il arrive. Mais elle n’est pas disposée à vous fournir les moyens de conquérir de nouveaux territoires. Vous avez réussi un tour de force. Maintenant, n’exagérez pas ! »

On connaît la suite. L’attaque surprise du 5 juin 1967 contre l’Égypte, l’embargo décrété le lendemain par la France sur toutes les armes vendues à l’État hébreu et le regret exprimé par de Gaulle que celui-ci « organise sur les territoires qu’il a pris, une occupation qui ne peut aller sans oppression, répression, expulsions », de sorte que « s’y manifeste contre lui une résistance, qu’à son tour il qualifie de terrorisme »… 

Si cette condamnation aux accents prophétiques est si bien reçue dans le monde arabe et dans le tiers-monde en général, c’est que, depuis 1962, notre pays a repris sa liberté internationale après avoir rendu la leur à ses anciennes colonies. Ce qui faisait dire à Maurice Couve de Murville qu’en retrouvant toute sa place en Méditerranée, la France renouait avec le rôle historique que lui imposait sa géographie, rôle compromis par le conflit algérien à l’occasion duquel tous les pays arabes, à l’exception du Liban, avaient rompu leurs relations diplomatiques avec elle. 

La proximité avec Nasser

Est-ce un hasard si, comme pivot de cette nouvelle politique, de Gaulle choisit alors l’Égypte ? Sous la direction de Nasser, celle-ci s’engage, depuis 1954, dans la voie d’une modernisation économique et sociale sans précédent dans le monde musulman – à l’exception de la Turquie kémaliste de l’entre-deux guerres. Cette modernisation est marquée par un profond aggiornamento à l’égard de l’islam traditionnel, lequel avait servi d’instrument à la domination britannique en Égypte à travers la confrérie des Frères musulmans, que ce même Nasser fera interdire après que ses adeptes ont tenté de l’assassiner. Chez Nasser, tout se tient. Grands travaux d’infrastructures, alphabétisation massive, égalité absolue entre hommes et femmes, lutte contre l’obscurantisme religieux instrumentalisé par l’étranger sont autant de vecteurs qui, en quelques années, feront de lui, non seulement le leader du monde arabe, mais celui du « non-alignement ». 

Tandis qu’en 1962, la guerre froide atteint son point culminant, n’est-il pas le seul dirigeant du tiers-monde à pouvoir s’entretenir directement au téléphone avec Kennedy et Khrouchtchev ? Le seul, surtout, dont les réalisations soient tangibles, ce qui impressionne profondément de Gaulle. Au point que c’est de lui que vient, en 1964, l’initiative d’inaugurer avec l’Égypte une ère de coopération inédite avec l’ensemble du monde arabe. 

Quant à Nasser, c’est peu dire qu’il découvre avec stupéfaction la souplesse de ce général réputé conservateur qui, après avoir donné l’indépendance à ses colonies, reconnaît la Chine populaire en janvier 1964 et, dix mois plus tard, est accueilli en Libertador par des foules immenses depuis Buenos Aires jusqu’à Mexico… Avant, en septembre 1966, de condamner l’intervention américaine au Vietnam dans son discours de Phnom-Penh. 

« La France, ayant parrainé la création de l’État hébreu avant de se réconcilier avec le monde arabe, peut s’adresser aux uns et aux autres avec un maximum d’objectivité. »

Paradoxalement, c’est la défaite de l’Égypte face à Israël, en 1967, qui rapproche définitivement les deux hommes. De Gaulle estime en effet que la recherche d’une paix juste entre Israël et ses voisins s’inscrit plus que jamais dans la vocation de la France, laquelle, ayant parrainé la création de l’État hébreu avant de se réconcilier avec le monde arabe, peut s’adresser aux uns et aux autres avec un maximum d’objectivité. 

À la veille de la guerre des Six-Jours, le Général avait proposé la tenue d’une conférence internationale qui aurait permis de mettre sur la table tous les aspects du contentieux israélo-arabe et, pour peu qu’elle aboutisse, d’entraîner la reconnaissance d’un État palestinien et réciproquement d’Israël par tous ses voisins. Cette proposition ayant été sèchement repoussée par Washington et Tel-Aviv, il s’estime fondé à soutenir Nasser qui, profondément affecté par la défaite de ses armées, songe alors à quitter le pouvoir : « La victoire et la défaite dans les batailles sont des péripéties passagères dans l’histoire des nations, lui écrit de Gaulle, le 9 juin 1967. Ce qui importe, c’est la volonté. Comme vous en avez le souvenir, la France a été un temps pour moitié sous l’occupation directe des nazis, pour une autre moitié sous la coupe d’un gouvernement collaborateur. Mais la France n’a jamais perdu sa volonté […]. Le vrai courage est d’affronter les malheurs. […] La paix du monde arabe requiert de vous des efforts et je suis le premier à être d’accord avec vous pour dire que le fait accompli, tel qu’il se présente chez vous maintenant, ne peut fournir de base véritable à une telle paix. »

Rappelé par la rue égyptienne et, qui sait, influencé par ce message, le Raïs renonce à démissionner. Non sans reconnaître publiquement que l’Égypte n’ayant pas (ou plus) les moyens de reconquérir le Sinaï annexé par les Israéliens, c’est par la voie politique qu’il convient de les en faire sortir. Ni plus ni moins que la position défendue par de Gaulle et que, le 23 novembre 1967, le Conseil de sécurité de l’ONU reprend à son compte en affirmant « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre ».

La bascule Mitterrand

Jusqu’à l’élection de François Mitterrand, en 1981, les critères de cette « politique arabe » resteront pour l’essentiel inchangés. Georges Pompidou maintient strictement l’embargo sur les armes vendues à Israël et s’abstient de condamner la guerre du Kippour d’octobre 1973, déclenchée par l’Égypte et la Syrie. 

« En quoi tenter de remettre les pieds chez soi constitue-t-il une agression imprévue ? », demande même Michel Jobert à la tribune de l’Assemblée nationale. Surtout, la France se rapproche de la Libye dont le jeune chef, un certain Mouammar Kadhafi, n’a pas encore sombré dans la folie ni son régime dans la dictature et qui, pendant quelques années encore, incarnera une « troisième voie » pour les Arabes désireux d’échapper à la lutte d’influence que se livrent Russes et Américains en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. 

Puis c’est vers l’Irak que se tournent Valéry Giscard d’Estaing et son Premier ministre, Jacques Chirac. Tous deux estiment « gagnant-gagnant » le marché que leur propose Saddam Hussein, alors numéro deux du régime baasiste (du nom du parti Baas, créé en 1940 par le chrétien syrien Michel Aflak, et qui servira d’épure à la plupart des nationalismes arabes laïcs d’après-guerre) : préférer le pétrole irakien à celui des monarchies du Golfe, sous protectorat américain, en l’échange de facilités pour les entreprises françaises désireuses d’investir entre le Tigre et l’Euphrate, région qui, depuis les accords Sykes-Picot de 1916, furent longtemps la chasse gardée des Anglo-Saxons.

À lire aussi : La politique arabe de la France naufragée sur l’éperon de l’islamisme

Tout change avec François Mitterrand qui, sous couvert de poursuivre la politique d’équilibre gaullienne, joue un authentique double jeu. Certes, il est le premier chef d’État français à se rendre en Israël en mars 1982. Le premier aussi à recevoir à Paris le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, après que ce dernier, en 1988, a répudié l’action terroriste et reconnu l’intangibilité de l’État juif. Mais il s’abstient, contre toute logique, de reconnaître la qualité d’État de ladite Autorité. Cet acte fondateur aurait sans doute pesé plus lourd que la reconnaissance abstraite par Emmanuel Macron d’une structure aujourd’hui vidée de sa substance et délégitimée par l’action du Hamas, dont les dirigeants, contrairement à Arafat, ont plus que jamais pour objectif la destruction d’Israël.

« Contrairement à de Gaulle, le président socialiste ne voyait que des inconvénients à se séparer des États-Unis. »

Pourquoi Mitterrand s’est-il arrêté en si bon chemin ? Ses actes parlent pour lui : parce que, contrairement à de Gaulle, le président socialiste ne voyait que des inconvénients à se séparer des États-Unis qui, eux-mêmes, n’ont jamais cessé de « coller » à la stratégie des partisans du « Grand Israël ». Sinon, pourquoi aurait-il pris la décision de participer à la première guerre du Golfe, qui n’était qu’une étape dans la restructuration du Moyen-Orient planifiée par les néoconservateurs américains, en lien avec les amis d’Ariel Sharon et de Benyamin Netanyahou ?

En refusant de prêter la main, en 2003, à l’étape suivante du programme, Jacques Chirac aura certes renoué pour un temps avec la geste gaullienne. Mais sans semer de graines durables, c’est le moins qu’on puisse dire, dans une classe politique française acquise, à droite comme à gauche, à un conformisme international digne de la IVe République.

La double rupture Sarkozy

Avant même d’être élu, Nicolas Sarkozy fonçait, en 2005, à l’ambassade des États-Unis pour prévenir l’ambassadeur Craig Stapleton de sa prochaine candidature à la présidentielle et lui annoncer qu’aussitôt dans les murs de l’Élysée, il romprait avec la politique arabe de Jacques Chirac et s’empresserait de réintégrer le commandement intégré de l’Otan.

« Nicolas Sarkozy allait prendre l’initiative de faire voler en éclats, au côté des Britanniques et des Américains, la fragile unité libyenne. »

Promesses tenues ! Par lui, qui, pour couronner cette double rupture, allait prendre l’initiative de faire voler en éclats, au côté des Britanniques et des Américains, la fragile unité libyenne et déclencher, ce faisant, un séisme migratoire dont les conséquences sont loin d’être purgées… Mais aussi par son successeur, François Hollande, au prix du reniement de ses propres engagements, lui dont la 59e proposition en tant que candidat était de travailler à « la reconnaissance internationale de l’État palestinien » ! Au lieu de quoi, recevant Benyamin Netanyahou à Paris, le 31 octobre 2012, il lui proposait, en gage d’« amitié », de ne pas voter, un mois plus tard, la résolution de l’ONU accordant à l’Autorité palestinienne un simple statut… d’observateur ! Il faudra toute la persuasion de son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, pour lui faire renoncer à ce qui aurait constitué une provocation aux yeux de l’ensemble du monde arabe.

Au bout d’un quinquennat et demi, Emmanuel Macron, devenu inaudible sur la plupart des sujets tant il a pratiqué le double et même le triple langage, a certes créé l’événement en décidant de reconnaître, comme 157 autres pays du monde, l’État de Palestine. Mais pour imprimer sa marque dans la partie qui se joue sans la France depuis 2007, encore fallait-il ne pas abandonner le terrain aux autres… Dans les discours de près de deux heures qu’il prononce, chaque année, fin août, devant la Conférence des ambassadeurs, l’actuel président de la République n’a consacré, jusqu’en 2023 – l’année d’un certain 7 octobre – que quelques minutes à la question du Proche-Orient. Il s’est certes rattrapé depuis, mais cela suffit-il pour refonder une politique ? 

On cite souvent la première phrase du chapitre VI des Mémoires de guerre de Charles de Gaulle : « Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples… » Mais on oublie toujours de citer la suite : « Je savais que, au milieu de facteurs enchevêtrés, une partie essentielle s’y jouait. Il fallait donc en être. » Nous aurions dû en être. Pourquoi n’y sommes-nous plus ?



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Éric Branca

Éric Branca

Historien et journaliste, il a notamment écrit "L’Ami américain. Washington contre de Gaulle, 1940-1969" (Perrin), "De Gaulle et les grands" (Perrin), "La République des imposteurs" (Perrin).

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